On ne mesure jamais une année de jeu vidéo à la seule liste de ses sorties.
Ce qui fait date, ce sont les événements : ceux qui bouleversent les équilibres, confirment des tendances ou laissent une empreinte durable sur la manière dont les jeux sont conçus, produits et perçus.
L’année 2025 n’a pas suivi un récit unique. Elle a été marquée par des dynamiques parfois contradictoires : succès commerciaux impressionnants, reconnaissances artistiques inattendues, décisions industrielles controversées, avancées technologiques rapides et rappels nécessaires à l’histoire du médium.
Cette rétrospective revient sur dix événements qui ont façonné le jeu vidéo en 2025. Ni palmarès, ni réquisitoire : il s’agit d’une photographie subjective d’une industrie en pleine tension entre continuité et rupture, entre héritage et transformation.
1 – Nintendo Switch 2 : la continuité comme choix stratégique

Le lancement de la Nintendo Switch 2, le 5 juin 2025, restera l’un des événements majeurs de l’année dans le monde du jeu vidéo. Avec plus de 3,5 millions de consoles vendues en seulement quatre jours, Nintendo a enregistré l’un des démarrages les plus solides de l’histoire de l’industrie, malgré des décisions parfois controversées. La mise en avant des Game Key Cards, un line-up initial jugé maigre, une communication parfois confuse et un prix critiqué n’ont pas entamé l’engouement des joueurs, témoignant de la force de la marque et de la fidélité de sa communauté.
Au-delà des chiffres, le lancement de la Switch 2 illustre une stratégie claire de continuité. La console reste compatible avec l’écosystème existant et conserve l’aspect hybride salon/portable qui a fait le succès de son prédécesseur. Plutôt que de chercher à redéfinir brutalement le jeu vidéo, Nintendo a choisi de prolonger un modèle déjà adopté et compris, en proposant une expérience améliorée plutôt qu’un changement radical. L’orientation se veut pragmatique : optimiser, polir et enrichir l’existant tout en maintenant l’identité de la console.
Dans un marché souvent caractérisé par la course à la puissance et les changements stratégiques spectaculaires, la Switch 2 rappelle l’efficacité d’une approche fondée sur la continuité et l’évolution progressive. Ce lancement souligne que l’innovation peut se trouver dans l’amélioration d’un système éprouvé plutôt que dans la rupture, et que fidéliser sa base tout en offrant des améliorations ciblées peut suffire à créer un impact majeur.
2 – Microsoft face aux licenciements massifs : le jeu vidéo en première ligne

Début juillet 2025, l’annonce a fait l’effet d’un véritable coup de massue dans l’industrie : après avoir déjà supprimé près de 6000 postes plus tôt dans l’année, Microsoft a officialisé le licenciement de 9000 salariés supplémentaires. Ces restructurations ont particulièrement touché les divisions liées au jeu vidéo, notamment Xbox, ZeniMax et King, confirmant que même les piliers du secteur ne sont plus à l’abri d’ajustements brutaux.
Les conséquences ont été immédiates et visibles. Plusieurs projets majeurs ont été annulés, dont le très attendu Perfect Dark, l’exclusivité Xbox Everwild, ou encore le projet « Blackbird », un MMORPG ambitieux présenté comme révolutionnaire. Ces annulations ont suscité une vive incompréhension chez les joueurs et observateurs, d’autant plus que Microsoft affichait des résultats financiers excellents, en constante progression.
Pour justifier ces licenciements massifs, Satya Nadella, PDG du groupe, a mis en avant la nécessité d’une transformation stratégique, notamment face à l’essor rapide des technologies liées à l’intelligence artificielle, qui requièrent des investissements financiers et humains conséquents.
En 2025, Microsoft s’est ainsi imposé comme l’illustration la plus frappante des dérives d’une gestion industrielle à grande échelle : malgré des performances financières solides, le groupe a multiplié les restructurations brutales et les abandons de projets, révélant la fragilité des divisions créatives du jeu vidéo face aux impératifs stratégiques et technologiques.
3 – Ubisoft : une condamnation judiciaire historique

Le 2 juillet 2025, le tribunal correctionnel de Bobigny a rendu un verdict historique pour l’industrie du jeu vidéo en condamnant trois anciens cadres d’Ubisoft (Thomas François, Serge Hascoët et Guillaume Patrux) à des peines allant jusqu’à trois ans de prison avec sursis pour des faits de harcèlement moral et sexuel commis entre 2012 et 2020. Cette décision judiciaire marque une étape majeure, tant par la reconnaissance officielle des faits que par le signal envoyé à l’ensemble du secteur.
Ce procès est l’aboutissement de plusieurs années d’enquêtes et de témoignages publiés dans la presse française entre 2020 et 2024, révélant un climat de travail toxique au sein d’Ubisoft. Les récits faisaient état de comportements misogynes et racistes, de pratiques managériales abusives et de nombreux cas de harcèlement, longtemps tolérés ou passés sous silence. Initialement prévu au mois de mars, l’examen de l’affaire avait été repoussé, renforçant l’attente autour d’un jugement devenu symbolique pour les victimes et pour l’industrie.
En 2025, cette condamnation dépasse largement le cadre d’Ubisoft. Elle incarne une prise de conscience judiciaire et sociale dans un secteur longtemps marqué par l’impunité de ses figures dirigeantes. Si elle ne suffit pas à elle seule à transformer en profondeur les conditions de travail, elle constitue un précédent fort, rappelant que les abus managériaux et les violences internes ne relèvent plus seulement du débat médiatique, mais bien de la responsabilité pénale. Pour l’industrie du jeu vidéo, ce verdict représente un tournant et peut-être le début d’une ère de redevabilité plus assumée.
4 – « Hollow Knight : Silksong » : le poids d’un développement sur le long terme

Après six années de développement, Hollow Knight : Silksong est finalement sorti le 4 septembre 2025, après une attente devenue presque légendaire. L’excitation autour du jeu avait largement dépassé le cadre de la simple communauté de fans, et le moindre faux pas aurait pu transformer ce lancement très attendu en échec industriel. La tension était palpable : le public espérait une expérience à la hauteur des attentes parfois démesurées et fantasmées accumulées au fil des années.
À sa sortie, le jeu a rapidement confirmé la pertinence du travail engagé par Team Cherry. Malgré quelques critiques sur sa difficulté élevée, jugée peu adaptée aux novices, Silksong a immédiatement trouvé son public et s’est imposé comme un succès critique et commercial. Mais plus qu’une victoire classique, le jeu est devenu un symbole de persévérance et d’abnégation, montrant qu’un studio peut maintenir sa vision artistique intacte sur de longues années sans céder aux pressions extérieures.
Hollow Knight : Silksong incarne un contre-modèle industriel, fondé sur la maîtrise du temps, la confiance dans son public et l’absence de pression actionnariale. En 2025, il rappelle que la patience, l’exigence et le respect de son propre rythme de création peuvent non seulement produire une œuvre exceptionnelle, mais aussi démontrer qu’un modèle alternatif au sein de l’industrie est à la fois possible et viable.
5 – GTA 6 : report et tensions sociales

Le report de Grand Theft Auto VI au 19 novembre 2026, alors qu’il était initialement prévu pour l’automne 2025, n’a surpris personne. En revanche, les révélations sur les pratiques internes de Rockstar Games ont profondément marqué l’actualité vidéoludique de l’année. Accusations de licenciements abusifs, témoignages d’employés et plaintes publiques ont mis en lumière des pratiques controversées, avec la mention particulière de sanctions contre des personnes liées, de près ou de loin, à des initiatives syndicales.
Cette affaire a placé Rockstar, studio emblématique du AAA, au centre d’un débat social important, rappelant les critiques déjà formulées contre d’autres géants comme Ubisoft ou Blizzard sur la gestion humaine et le harcèlement. Bien que l’attente pour GTA VI reste massive, ces révélations ont modifié la perception du studio auprès du grand public et des médias spécialisés, introduisant une dimension éthique dans l’évaluation d’un projet vidéoludique majeur.
En 2025, GTA VI est ainsi devenu, malgré lui, un symbole des tensions et défis humains qui accompagnent les productions à très grande échelle. Au-delà du jeu lui-même, l’épisode illustre combien la gestion interne et les pratiques sociales d’un studio peuvent influencer sa réputation et susciter des débats sur les conditions de travail dans l’industrie du jeu vidéo AAA.
6 – Valve et le retour de la Steam Machine : une alternative structurelle

Dix ans après l’échec relatif de sa première génération de Steam Machines, Valve a remis le couvert et a annoncé, le 12 novembre 2025, une nouvelle console dont la fenêtre de sortie serait dans le courant de l’année 2026. Là où les premières tentatives s’étaient perdues dans une jungle d’offres confuses, le géant de Bellevue semble vouloir corriger le tir avec une machine compacte, puissante, pensée pour le salon et taillée pour compléter l’écosystème Steam déjà solidement établi par le Steam Deck. Cette nouvelle Steam Machine ne chercherait donc pas à remplacer la console portable de Valve, mais à s’installer à ses côtés, comme une pièce maîtresse d’un écosystème matériel cohérent.
En complément de cette console, Valve prévoit également la sortie d’une nouvelle version de son Steam Controller ainsi que du Steam Frame, un casque de réalité virtuelle conçu pour fonctionner de manière autonome, propulsé par un processeur Snapdragon et porté par l’architecture ARM.
Reste à voir si Valve saura éviter les pièges classiques du segment : prix mal positionné, communication floue et optimisations insuffisantes. En attendant, cette annonce marque un tournant : en 2025, Valve ne se contente plus de vendre des jeux. Il veut devenir un constructeur et peut-être, pour la première fois, un acteur central du hardware grand public.
7 – Disparition de Rebecca Heineman : pionnière du jeu vidéo et figure de courage

Le 17 novembre 2025, l’industrie du jeu vidéo a perdu une de ses figures les plus emblématiques : Rebecca Heineman, pionnière visionnaire et programmeuse hors pair. Dès ses débuts, elle s’est distinguée par son talent et sa détermination, remportant en 1980 le premier championnat national américain de Space Invaders, avant de devenir une ingénieure capable de transformer les contraintes techniques en innovations créatives.
Mais l’héritage de Heineman ne se limite pas à ses lignes de code. En tant que femme trans visible dans une industrie historiquement peu inclusive, elle a incarné une rupture majeure avec les normes dominantes du jeu vidéo. Son coming-out et sa carrière publique ont offert une représentation rare, montrant que les personnes LGBTQ+ ne sont pas des exceptions tolérées, mais des actrices essentielles de l’histoire du médium.
Rebecca Heineman a également utilisé sa notoriété pour parler ouvertement des discriminations et des mécanismes d’exclusion présents dans l’industrie, avec un ton à la fois direct, accessible et empreint d’humour. En partageant son vécu, elle a contribué à sensibiliser ses pairs tout en apportant un soutien moral important à celles et ceux qui se reconnaissaient dans son parcours. Elle a ainsi participé à créer un climat plus propice à la parole et à la reconnaissance des identités marginalisées.
Enfin, son impact se fait sentir à long terme dans l’évolution même du jeu vidéo. En ouvrant la voie à une plus grande diversité parmi les créateurs, Heineman a favorisé l’émergence de récits, de personnages et de mondes plus variés et représentatifs.
Elle laisse donc derrière elle un double héritage : celui d’une pionnière technique ayant façonné les bases du jeu vidéo moderne, et celui d’une figure inspirante dont l’authenticité et le courage continuent de nourrir la communauté LGBTQ+ et l’industrie dans son ensemble.
8 – Elon Musk et xAI : l’IA va réinventer le jeu vidéo

À l’automne 2025, l’intelligence artificielle s’est imposée comme l’un des sujets centraux de l’industrie vidéoludique, portée notamment par une annonce très médiatisée d’Elon Musk. En octobre, le dirigeant de SpaceX, Tesla et xAI a affirmé, via X, que son entreprise prévoyait de sortir d’ici fin 2026 un jeu vidéo entièrement généré par intelligence artificielle, promettant sans détour une œuvre « excellente ». Une déclaration spectaculaire, fidèle au personnage, qui a immédiatement relancé les débats autour du rôle de l’IA dans la création vidéoludique.
Jusqu’alors principalement associé au développement de Grok et à son intégration au sein de X, Elon Musk a confirmé avec cette annonce, l’ambition de faire de xAI un acteur incontournable de l’IA générative, capable d’investir des domaines créatifs traditionnellement réservés aux studios humains. Cette volonté s’inscrit dans une tendance globale où l’IA n’est plus seulement un outil d’assistance, mais un élément central du processus de production.
L’objectif affiché est clair : transformer en profondeur la manière dont les jeux sont conçus, développés et expérimentés. Mais cette intégration massive de l’IA soulève également de nombreuses interrogations, tant sur le plan éthique que créatif et social. En 2025, l’annonce de xAI n’a pas seulement suscité la curiosité : elle a cristallisé les tensions émergentes entre innovation technologique et place des créateurs humains, faisant de l’intelligence artificielle l’un des grands sujets de débat pour l’avenir du jeu vidéo.
9 – Netflix et Warner Bros : le jeu vidéo entre dans l’ère du streaming global

En 2025, le rachat de Warner Bros. par Netflix s’est imposé comme l’un des événements les plus marquants de l’industrie du divertissement, et tout particulièrement du jeu vidéo. En intégrant Warner Bros. Games à son giron, Netflix a mis la main sur des licences majeures comme DC, Harry Potter ou Mortal Kombat, ainsi que sur des studios rompus au développement de jeux AAA. Longtemps perçue comme un acteur encore hésitant dans le gaming, la plateforme a soudainement changé d’échelle, affirmant sa volonté de s’imposer durablement dans un secteur jusqu’ici dominé par les constructeurs et éditeurs historiques.
Cette acquisition ouvre la voie à une nouvelle logique transmedia, où séries, films et jeux peuvent être conçus comme des extensions naturelles les uns des autres. Netflix dispose désormais des moyens financiers, créatifs et techniques pour imaginer des expériences vidéoludiques directement liées à ses univers narratifs, diffusées à l’échelle mondiale via l’abonnement, le cloud ou le mobile. Une approche qui pourrait démocratiser davantage le jeu vidéo, en touchant un public bien plus large que celui des joueurs traditionnels.
Mais ce tournant stratégique s’accompagne de nombreuses interrogations. La vision de Netflix pour le jeu vidéo reste encore floue, et la crainte d’une standardisation dictée par les algorithmes plane sur la créativité des studios. Surtout, ce rapprochement accentue la concentration du marché et pousse les autres géants du secteur à repenser leurs propres stratégies. En ce sens, le rachat de Warner par Netflix apparaît moins comme un simple mouvement économique que comme un signal fort : le jeu vidéo est désormais au cœur des grandes batailles du streaming et du divertissement global.
10 – « Clair Obscur : Expedition 33 » : reconnaissance internationale de la création européenne

En 2025, la sortie de Clair Obscur : Expedition 33 a marqué un moment important pour la scène vidéoludique européenne. Porté par une direction artistique affirmée, une narration exigeante et un ton singulier très français, le jeu s’est rapidement imposé sur la scène internationale, séduisant critiques et joueurs par son audace et sa personnalité unique.
La reconnaissance ne s’est pas fait attendre : le jeu a été honoré lors de plusieurs cérémonies prestigieuses, dont les Game Awards, où il a remporté neuf récompenses, notamment celle très convoitée du jeu de l’année. Ce succès symbolique a confirmé que les studios européens peuvent désormais occuper une place centrale dans l’industrie mondiale, loin des rôles secondaires ou intermédiaires qui leur étaient parfois réservés. Même la polémique récente autour de l’utilisation de l’IA dans le processus de création n’a pas entaché l’impact de l’œuvre, mais a plutôt alimenté le débat sur les méthodes modernes de conception vidéoludique.
Avec Expedition 33, le studio Sandfall Créative a donné un véritable coup de pied dans la fourmilière de l’industrie, prouvant que l’identité culturelle européenne, lorsqu’elle est pleinement assumée et intégrée à la création, peut devenir un moteur de reconnaissance et non un frein. En 2025, Clair Obscur a ainsi symbolisé un tournant : la créativité européenne est aujourd’hui reconnue à l’échelle mondiale, capable de rivaliser avec les productions des géants historiques du secteur.
Pour terminer…

Avec le recul, 2025 apparaît comme une année charnière pour le jeu vidéo.
Pas uniforme, mais éclatante dans sa diversité et ses enjeux. Succès commerciaux, audaces artistiques, bouleversements industriels, drames sociaux, avancées technologiques : chaque événement a redessiné les contours du médium.
Cette année n’offre pas une seule lecture. Elle propose un kaléidoscope, une matière brute pour comprendre comment le jeu vidéo se transforme et se prépare à demain.
2025 n’est pas seulement à retenir. Elle est à relire, à analyser, à ressentir. Une année où continuité et rupture se sont affrontées et mêlées, et qui laisse entrevoir l’avenir d’une industrie plus complexe, plus puissante et plus vivante que jamais.



