Depuis le 5 novembre 2025, un petit logo rouge a discrètement fait son apparition sur les écrans de téléphone du monde entier. Derrière lui, une promesse : celle d’un Nintendo plus connecté, plus moderne, plus proche de ses joueurs. Le Nintendo Store, désormais disponible sur iOS et Android, se veut le prolongement naturel de l’écosystème maison. Une vitrine, une mémoire, un outil de suivi et d’achat pour les utilisateurs de Switch et de Switch 2. Sur le papier, c’est une petite révolution. Dans les faits, c’est surtout un moment charnière, révélateur d’une entreprise en pleine mutation.
Après plusieurs jours à naviguer dans l’application, une impression s’impose. Nintendo avance enfin sur un terrain qu’il a longtemps ignoré. Mais, fidèle à lui-même, il le fait à son rythme, avec autant de bonnes intentions que de maladresses. Ce n’est pas une rupture. C’est une mue, tardive, timide, mais nécessaire.
Une arrivée tardive, mais providentielle

Pendant des années, Nintendo a semblé vivre dans une bulle hors du temps. Là où Sony et Microsoft ont multiplié les passerelles entre console, mobile et PC, la firme de Kyoto a préféré suivre sa propre voie, parfois au mépris du confort utilisateur. Les services en ligne, les sauvegardes cloud, les interfaces connectées… autant d’aspects que Nintendo a longtemps considérés comme secondaires, presque accessoires.
En 2025, la situation n’est plus tenable. Les joueurs veulent des écosystèmes unifiés, capables d’accompagner leur expérience de jeu au-delà de la console. Ils veulent suivre leurs statistiques, consulter leur historique, acheter un titre depuis leur téléphone et le retrouver prêt à être téléchargé une fois rentrés chez eux. Bref, ils veulent ce que Nintendo a toujours promis sans jamais vraiment offrir.
C’est dans ce contexte que le Nintendo Store arrive, un peu comme une réponse tardive à un besoin criant. Mais si le timing semble presque ironique, il tombe aussi à point nommé. Avec la sortie récente de la Switch 2 et la volonté affichée d’unifier les comptes, l’application représente bien plus qu’un simple outil d’achat : c’est la porte d’entrée vers un Nintendo nouveau, conscient de son retard mais prêt à rattraper le temps perdu.
Une interface qui tourne enfin la page de l’eShop

Dès la première utilisation, le constat saute aux yeux : cette application n’a rien à voir avec ce que proposait Nintendo jusqu’ici. L’interface est fluide, lumineuse, propre. Les menus réagissent sans lenteur, les images s’affichent instantanément, la hiérarchie visuelle est claire. On est loin, très loin, du vieux eShop poussif de la Switch première du nom, où chaque navigation ressemblait à une épreuve de patience.
Tout semble ici pensé pour le confort et la simplicité. L’application n’invente rien, mais elle fait tout mieux. Elle offre enfin cette sensation de cohérence que les joueurs attendaient depuis des années. Les jeux s’affichent avec des visuels soignés, les fiches sont détaillées, et la recherche se révèle étonnamment intuitive. Pour la première fois, parcourir le catalogue Nintendo virtuellement devient un plaisir. On redécouvre ce que le constructeur est capable de faire lorsqu’il s’autorise à regarder du côté des standards modernes.
Ce n’est pas seulement une amélioration technique : c’est un changement d’état d’esprit. Nintendo semble avoir compris que son univers ne pouvait plus se limiter à la console. Il fallait une extension naturelle, une interface capable d’accompagner le joueur dans son quotidien. Et sur ce point, le pari est réussi.
Le confort des notifications personnalisées

Une autre nouveauté, plus discrète, pourrait bien s’imposer comme le véritable atout de cette application : les notifications personnalisées. Le principe est simple, presque évident. On ajoute un jeu à sa liste de souhaits, et l’application nous prévient dès qu’il passe en promotion. Rien de révolutionnaire en soi, mais pour Nintendo, c’est un tournant.
Car la firme n’a jamais vraiment maîtrisé l’art de la relation numérique avec ses joueurs. Ici, elle propose enfin un système de suivi efficace, pensé pour le quotidien. Avec la multiplication des remises et la profusion de titres disponibles sur l’eShop, cette fonction tombe à pic. Elle parle directement à une génération de joueurs qui aiment planifier, comparer, et saisir la bonne affaire au bon moment.
À l’approche des fêtes de fin d’année, cette attention prend encore plus de sens. Recevoir une alerte pour un jeu attendu depuis des mois, repérer une baisse de prix avant tout le monde, voilà une petite satisfaction nouvelle dans l’écosystème Nintendo. Rien de spectaculaire, mais une preuve que la marque commence à écouter ses utilisateurs. Une preuve qu’elle apprend à converser autrement avec eux.
L’historique d’activité : quand Nintendo redécouvre sa mémoire

C’est sans doute la surprise la plus inattendue, et la plus touchante. L’application ne se contente pas de servir de vitrine ou de boutique : elle devient aussi un espace de mémoire. En plus des consoles actuelles, elle permet aussi de consulter son historique de jeu sur des machines plus anciennes, comme la Wii U ou la 3DS, à condition d’avoir lié son ancien identifiant NNID à son compte actuel.
Ce détail change tout. Pour la première fois, Nintendo reconnaît la continuité de ses joueurs à travers les générations. Voir s’afficher des traces de ses anciennes parties de Mario Kart 8, ou redécouvrir le temps passé sur Monster Hunter 4 Ultimate, c’est plus qu’une curiosité : c’est une reconnexion émotionnelle. L’application se transforme en capsule temporelle, un journal de bord vidéoludique qui raconte des années de passion.
On y sent une forme d’humilité. Une reconnaissance du lien intime qui unit Nintendo à ses fans. L’entreprise, longtemps hermétique à la notion d’identité numérique, ouvre enfin la porte à cette dimension affective. Elle accepte que notre histoire de joueur fasse partie de la sienne. Ce n’est pas anodin, c’est un pas vers un Nintendo plus humain.
Une expérience brisée par le retour au navigateur

Mais alors que tout semble parfaitement en place, survient ce petit accroc typiquement « Nintendo ». L’application permet de parcourir, de découvrir, de comparer… mais pas d’acheter directement. Au moment de valider un achat, l’utilisateur est redirigé vers le navigateur web de son smartphone. Une transition brutale, qui brise l’élan et casse l’illusion d’une expérience unifiée.
Ce détour s’explique sans doute par les contraintes imposées par Apple et Google sur les paiements intégrés. Mais, du point de vue de l’utilisateur, cela reste une déception. On passe d’une interface moderne et fluide à une page web plus lente, impersonnelle, parfois capricieuse. Un rappel brutal que Nintendo avance toujours prudemment, à petits pas, en contournant les obstacles plus qu’en les abattant.
C’est frustrant, car tout semblait prêt pour une expérience « tout-en-un ». Le potentiel est là, tangible, mais il reste partiellement entravé par ces limites techniques et juridiques. Nintendo a posé les bases d’un écosystème cohérent, sans aller jusqu’au bout du geste. Dommage.
Un pas de géant pour Nintendo, un petit pas pour le joueur

Alors, révolution ou pétard mouillé ? Ni l’un, ni l’autre. Le Nintendo Store mobile n’est pas un tremblement de terre dans le monde du jeu vidéo, mais il marque une étape essentielle dans la transformation d’un constructeur longtemps réfractaire au changement. Ce que l’application propose n’a rien de spectaculaire. Mais elle améliore, simplifie et clarifie. Elle rend la relation à Nintendo plus agréable, plus fluide, plus naturelle. Et c’est déjà beaucoup.
Car au-delà des fonctionnalités, ce qui frappe, c’est l’intention. Pour la première fois depuis longtemps, Nintendo semble avoir compris les usages modernes sans trahir son identité. Cette application n’essaie pas d’imiter Sony ou Microsoft. Elle reste profondément Nintendo, avec sa douceur, sa retenue, son goût du détail. Mais elle montre aussi une écoute nouvelle, une ouverture bienvenue.
Une mue sincère et pleine de promesses

En tant que joueur ayant grandi avec la marque, je ressens quelque chose d’assez fort en découvrant cette application. Ce n’est pas la prouesse technique qui m’a convaincu, mais le ton, l’esprit, la volonté qui s’en dégagent. Le Nintendo Store n’est pas un gadget de plus, c’est un geste. Un signe que la firme reconnaît enfin que son public a changé, qu’il vit autrement le jeu vidéo, et qu’il mérite une expérience plus souple, plus cohérente, plus respectueuse de son temps.
Ce n’est pas encore la révolution que certains attendaient. Mais c’est un début prometteur. Un pas vers un Nintendo qui assume pleinement son époque sans renier ce qui fait sa singularité. Un Nintendo plus proche, plus attentif, plus en phase avec ses joueurs.
En refermant l’application, je n’ai pas eu le sentiment d’avoir découvert un nouvel outil. J’ai eu celui d’avoir retrouvé un vieux compagnon qui, après des années d’isolement, revient frapper à la porte. Un compagnon maladroit, mais sincère. Et dans le monde des jeux vidéo, où tout va trop vite, cette sincérité-là vaut parfois toutes les révolutions.



