Billet d’humeur : En 2025, on en est encore là ?

Image générée par IA montrant un bureau de gamer avec deux écrans affichant un jeu de science-fiction, un contrôleur Xbox flottant et plusieurs post-its portant des mots négatifs comme "violence", "danger", "paresse", "échec", "isolement" et "irréalité", entouré de pizzas, canettes et matériel gaming.

J’en ai ras le bol. Vraiment.

Je croyais naïvement qu’en 2025, on avait enfin passé un cap. Que le jeu vidéo avait gagné suffisamment de légitimité, de reconnaissance culturelle et d’importance économique pour qu’on n’ait plus à se coltiner les mêmes discours poussiéreux que ceux qu’on entendait quand j’avais dix ans. Eh bien non. Il suffit d’allumer RMC Story et d’écouter Carine Galli pour comprendre qu’on peut faire des sauts technologiques, artistiques, et culturels, mais qu’on ne peut rien contre certaines idées préfabriquées, vissées au cerveau depuis trois décennies.

Carine Galli nous explique donc, très sérieusement, que le jeu vidéo crée des addictions, propage la violence, et que Call of Duty serait presque une porte d’entrée vers le chaos social. Je l’écoutais, et j’avais l’impression qu’on venait de rembobiner le monde jusqu’à l’époque où Doom était accusé de transformer les enfants en démons. Une époque où les JT brandissaient la PlayStation comme on brandissait une arme du crime.

Et puis vient la cerise sur le gâteau : elle avouera, dénoncée par ses propres confrères, jouer elle-même au Scrabble sur son téléphone… mais en précisant haut et fort que ce n’est pas comparable, que c’est un jeu intelligent, bien plus noble que « le reste » que l’on trouve en jeu vidéo. Une pirouette parfaite pour s’auto-exclure du problème tout en gardant la posture condescendante.

Je vous jure que j’ai ri. Un rire un peu nerveux, un peu triste aussi. Parce que ça résume parfaitement la manière dont certaines personnalités publiques regardent le jeu vidéo : de très, très haut.

Ce mépris à peine caché, c’est ça qui m’a piqué. Ce ton docte, paternaliste, où l’on oppose des « bons » jeux (ceux qu’on pratique soi-même) aux « mauvais » (ceux des autres). Et le pire, c’est que cette sortie n’a rien d’un dérapage : elle reflète une incompréhension profonde, mais surtout une absence totale de curiosité. Ce qui est déjà regrettable chez n’importe qui, mais franchement gênant chez quelqu’un qui se revendique journaliste.

Parce que oui, je le dis sans détour : où est la rigueur journalistique là-dedans ?

Où sont les études ? Où sont les nuances ? Où est le travail d’information ? 

Nulle part. À la place : des raccourcis, des clichés, et un « je le pense, donc c’est vrai ».

Et ce genre de discours, au-delà d’être dépassé, est surtout dangereux. Parce qu’il occulte complètement les bienfaits du jeu vidéo, ceux dont on parle trop peu : la coordination, la mémoire, l’attention, la créativité, l’ouverture culturelle, le travail d’équipe, la gestion du stress, la socialisation, l’expression artistique, l’apprentissage par le jeu… Tout ça balayé d’un revers de main, comme si le jeu vidéo ne pouvait être que nuisible. C’est un déni total de ce que vivent des millions de joueurs au quotidien, et c’est insupportable.

Et moi, en tant que joueur, ça m’use. Ça fait trente ans que je vois le même débat tourner en boucle. J’ai grandi avec Mortal Kombat et je ne suis pas devenu maître assassin. J’ai traversé GTA de long en large, et bizarrement je ne dirige toujours pas un cartel. Si ces jeux avaient réellement un pouvoir de transformation aussi radical, ça ferait longtemps qu’on vivrait dans un Mad Max 2.0.

Mais non. On vit dans un monde où les gens jouent. 

Jouent pour se détendre. 

Jouent pour se retrouver. 

Jouent pour se raconter des histoires, se dépasser, se challenger, respirer un peu. 

Jouent avec leurs potes, leurs enfants, leurs parents. 

Jouent, parfois, pour aller mieux.

Et ce monde-là, Carine Galli semble ne pas le voir. Elle préfère opposer son Scrabble « intelligent » aux « jeux violents » des masses. Pourtant, news flash : le Scrabble sur smartphone, c’est du jeu vidéo. Oui, Carine. Vous êtes une joueuse. Et non, votre jeu n’est pas culturellement supérieur à celui des autres.

Je n’aime pas m’attaquer frontalement aux gens. Mais quand on dénigre un média qui engage, rassemble, fait rêver, crée des métiers, accompagne des millions de gens… il faut accepter qu’on vous réponde.

Carine Galli dit que le Scrabble la rend plus intelligente. J’ai de gros doutes.

Et à l’écouter, je ne peux m’empêcher de penser qu’il ne l’a pas non plus rendue plus humble. 

Ni plus tolérante. 

Ni plus ouverte. 

Ni plus informée.

Si en 2025 je dois encore défendre le jeu vidéo face à ce type de discours, alors très bien. Je le ferai. Mais qu’on ne vienne plus me parler de progrès. Parce qu’à ce rythme-là, dans dix ans, on nous expliquera peut-être que Tetris rend accro au meuble Kallax d’Ikea ou que Mario Kart incite à brûler les feux rouges.

En attendant, je continuerai de jouer. 

De m’émerveiller. 

De défendre ce média qui m’a construit, accompagné, passionné. 

Et si certains ont encore du mal à comprendre tout ce qu’il apporte, qu’ils commencent peut-être par quelque chose de simple : installer autre chose que le Scrabble sur leur téléphone !

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Auteur
Torax

Rédacteur / Chroniqueur jeux vidéo pour techcafe.fr

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