J’ai besoin de faire un coming-out vidéoludique.
Un aveu, un vrai. Pas le genre d’aveu dramatique qu’on lance au détour d’une bière entre amis, mais plutôt celui qu’on fait à voix basse, quand on sait que quelqu’un risque de lever un sourcil.
Je joue à Design Home.
Et j’aime ça.
Oui, Design Home. Le jeu de décoration d’intérieur sur mobile.
Celui où vous choisissez des canapés, des luminaires et des tables basses virtuelles pour des pièces que vous ne verrez jamais dans la vraie vie.
Celui où vous gagnez des « diamants » en plaçant correctement un vase sur une console en bois flotté.
Et le pire, c’est que je trouve ça… relaxant. Addictif, même.
Moi, Torax. Joueur depuis l’époque où les pixels faisaient mal aux yeux. Amateur de Metroidvania, d’action-RPG, de jeux d’enquêtes sombres et de Soulslike qui vous punissent à la moindre erreur.
Eh bien, me voilà à comparer des rideaux pastel et des tapis berbères.
On appelle ça une dissonance vidéoludique majeure.
La première fois que j’ai lancé Design Home…

… c’était un peu par curiosité malsaine.
Je venais de tomber sur une pub qui me montrait une salle de bain parfaitement agencée, ambiance « influenceuse Pinterest sous Xanax ». J’ai cliqué.
Et puis, en trois minutes, j’étais absorbé.
Le jeu vous accueille avec une ambiance douce, des visuels ultra soignés, des textures réalistes.
On vous confie une première mission : décorer un salon « moderne et chaleureux ».
Vous choisissez un canapé, une table, un tableau. Vous validez.
Et là, magie : votre pièce prend vie.
C’est propre, c’est harmonieux, et c’est vous qui avez choisi.
Le cerveau reçoit une mini décharge de dopamine. Une satisfaction aussi absurde que sincère.
Et c’est là que tout commence à déraper.
Je me dis « allez, une deuxième pièce, juste pour voir ».
Et puis une troisième. Et bientôt, je découvre que je compare sérieusement deux types de fauteuils beige clair en me demandant lequel « respire mieux la sérénité scandinave ».
À ce moment-là, j’ai su que j’étais foutu.
Le piège du bon goût

Le vrai génie (ou la vraie perfidie) de Design Home, c’est sa mécanique économique.
Chaque meuble coûte une monnaie virtuelle. Chaque projet demande des ressources. Et très vite, vos diamants fondent comme neige au soleil.
Vous vous retrouvez à faire des arbitrages absurdes :
“Bon, je prends ce canapé à 800 diamants ou ce luminaire à 1200, quitte à laisser le mur vide ?”
C’est un dilemme digne d’un RPG, mais à la sauce déco.
Et si vous voulez vraiment « le » meuble parfait, celui qui va donner du cachet à votre salon virtuel, vous vous rendez compte qu’il faut… payer. De l’argent. Du vrai.
À ce stade, j’ai compris que Design Home était plus dangereux pour mon portefeuille que n’importe quel gacha.
Mais ce qui est fascinant, c’est que je n’ai jamais eu l’impression de gaspiller. Parce que chaque achat sert à créer.
Et dans un monde où la plupart des jeux récompensent la performance, celui-ci récompense la sensibilité esthétique.
C’est rare. Et étrangement satisfaisant.
Le paradoxe du joueur zen

J’ai longtemps pensé que le jeu vidéo devait être un défi.
Une épreuve, une aventure, quelque chose qui me pousse à aller plus loin.
Et pourtant, Design Home ne me fait rien de tout ça.
Pas de challenge, pas de combat, pas de victoire. Juste… du calme.
Et ça m’a surpris. Parce que ce jeu m’a offert quelque chose que je ne trouvais plus ailleurs : la tranquillité.
C’est un espace mental où tout est sous contrôle, où le beau prime sur le stress, où l’on peut respirer.
Et dans une époque où nos vies sont saturées de bruit, de notifications et de chaos, Design Home agit comme une petite bulle d’oxygène numérique.
Je ne dirais pas que c’est un chef-d’œuvre. Mais c’est un jeu qui a compris un besoin fondamental : celui d’exister dans un espace maîtrisé et apaisant.
« Salut, je m’appelle Torax et je suis accro aux rideaux virtuels »

J’ai déjà essayé de l’expliquer à des amis joueurs.
L’un m’a regardé comme si je venais d’avouer que je collectionnais les peluches Ikéa.
Un autre a simplement répondu : « Mec, t’as besoin de vacances ».
Mais plus j’y pense, plus je me dis que Design Home parle de nous, les joueurs adultes.
De ceux qui ont moins de temps, plus de fatigue, et qui cherchent dans le jeu non plus l’adrénaline, mais la paix.
C’est un jeu qui ne demande rien, sinon un peu de goût (et un portefeuille bien rempli). Et franchement, ça change.
Et puis, il y a ce plaisir coupable, presque honteux, de voir son travail jugé par d’autres.
Quand vous recevez un 5/5, c’est un petit shoot d’estime personnelle.
Quand vous prenez un 3.5, vous vous dites que le monde ne comprend décidément rien à votre « minimalisme nordique ».
C’est puéril, c’est superficiel, et c’est terriblement humain.
Le jeu que je ne désinstalle jamais

Je pourrais le supprimer.
Je pourrais me dire « allez, c’est bon, c’était une phase ».
Mais à chaque fois que je me sens fatigué ou que j’ai besoin de déconnecter sans violence, je relance Design Home.
Il m’arrive même de le faire avec ma fille à côté, en lui demandant :
“Tu préfères le fauteuil bleu ou le beige ?”
Elle répond sans hésiter. Et là, le jeu devient un moment de partage simple, doux, presque complice.
Et je me dis que, finalement, il n’y a pas de honte à aimer un jeu qui fait du bien.
Parce que le jeu vidéo, c’est aussi ça : une infinité d’expériences, du chaos de Dark Souls à la sérénité d’un salon bien rangé.
Mon verdict de joueur en pleine crise de goût

Je ne vais pas prétendre que Design Home a changé ma vie.
Mais il a changé quelque chose dans ma façon de voir le jeu vidéo.
Il m’a rappelé qu’on pouvait jouer pour le simple plaisir d’arranger, d’harmoniser, de créer du beau sans enjeu.
Alors oui, j’ai presque honte d’aimer Design Home.
Mais si la honte, c’est de chercher un peu de calme dans un monde qui va trop vite, alors je veux bien être coupable.
Et maintenant, excusez-moi : j’ai un salon « Rustique Contemporain » à finir. Le canapé vient d’arriver, et il ne va pas se placer tout seul.
En guise de conclusion….
• Titre : Design Home
• Développeur : CrowdStar
• éditeur : Electronic Arts
• Plateformes : iOS, Android
• Genre : Simulation déco / relaxation visuelle
• Microtransactions : Oui, et elles sentent bon le cuir italien
• Satisfaction : Élevée (surtout avec des coussins texturés)
• Honte : Présente, mais apaisée



